Bonjour Laurent,
Merci pour ton message très détaillé et d'avoir pris le temps d'essayer de répondre à mes questions JPP (ben pourquoi) 😉
Je me permets quelques remarques.
Laurent a écritC’était probablement plus simple à construire de mettre les tiges droites avec un espacement régulier et d’adapter la position des touches en fonction, que de mettre les tiges en éventail, même si, comme tu l’as montré, des machines plus anciennes avaient prouvé que c’était parfaitement possible. Ne pas centrer les touches sur les tiges aurait été possible aussi, mais ça aurait induit des contraintes mécaniques, peut-être néfastes à la longue.
On est d'accord, la simplicité n'a pas de prix, surtout au début, quand on crée quelque chose de nouveau. On a bien le temps de complexifier ensuite, une fois qu'on a trouvé les premiers principes qui font que ça marche.
De mon côté, en découvrant les différents prototypes, ce que je vois, c'est que les leviers métalliques sont arrivés quasiment à la fin (brevet vendu à Remington), et qu'au départ, Sholes et Cie utilisent un clavier type piano (deux niveaux donc, tiges droites, en bois) et dans l'ordre alpha, mais déjà avec la subtilité de terminer par le z à gauche (d'où l'origine des ZXV en bas à gauche). Ce clavier ne convenant pas aux premiers utilisateurs (les télégraphes), ils ajoutent les chiffres (une rangée de 9 touches, le I proche du 8 et 9 pour taper les dates rapidement, et d'autres petits trucs dont les télégraphes ont le secret...), et du coup pour homogénéiser les deux rangées de lettres et signes en dessous, on se retrouve à 4 rangées. Mais partant d'un mécanisme "piano", le nouveau clavier reste dans cet esprit (leviers droits et décalage). Et même quand on regarde le tout dernier modèle avant sa mort, Scholles est resté sur ce principe, il n'a donc jamais senti la nécessité d'orthogonaliser les touches, son dernier souci était pour des touches ovales afin d'éviter la frappe de deux touches en même temps. Pourtant, à la même époque ou un peu plus tard, des constructeurs ont proposé des touches orthogonales. Mais comme tu le confirmes toi-même, ça se vendait très bien comme ça, c'est donc que les utilisateurs n'ont jamais identifié (à tort ou à raison) le besoin d'un clavier orthogonal. Le marché a donc fait son choix, et ce n'est pas une contrainte technique qui les a empêché de faire ce choix. On se doute bien que si les gens étaient paralysés ou abîmés après avoir utilisé un clavier Scholes au bout d'un an, Remington en tête aurait été le premier à tordre ses tiges pour faire du clavier orthogonal.
Donc à mon avis, c'est important, si on explique aux gens qu'un clavier décalé c'est la faute à la technique, alors que techniquement on pouvait et savait faire autrement, de dire ce qui s'est vraiment passé, sinon on va vite se faire retoquer (avec internet, comme je l'ai fait, on retrouve très vite les infos) et les gens refuseront d'écouter ce qu'on peut dire pour défendre autre chose, même juste.
Laurent a écritQuant à savoir pourquoi Sholes a choisi cet ordre de décalage des rangées… Peut-être ½ de décalage entre les deux rangées basses pour que les touches de la 3ᵉ rangée puissent passer en partie entre les tiges de la 4ᵉ, les leviers plus longs de ces rangées impliquant un enfoncement plus important que pour les premières. À partir de là, la 2ᵉ rangée devait forcément être décalée d’¼, le seul choix qui restait était le sens, et la 1ʳᵉ rangée ne pouvait prendre que la position restante.
Je pense avoir compris ce que tu veux dire, quelque-chose autour de débattement des pièces dans un volume restreint, ce qui peut se concevoir, mais sauf démonstration technique pour le voir de mes yeux, j'ai encore du mal à y croire.
De mon côté, je n'ai pas encore fini mes recherches (j'ai trouvé certains documents que je dois maintenant décortiquer), mais je pense à une autre hypothèse. J'ai juste dessiné un clavier avec l'ordre de décalage suivant Scholes, et comparé avec le mien.
Ce qui m'a sauté aux yeux, c'est la symétrie gauche-droite du croisement: elle est bien meilleure sur la version Scholes que sur la version régulière.
Comme en plus, les écrits de Scholes laissent à penser que sa priorité était de frapper vite, et de ne pas frapper deux touches en même temps, ou de bien relâcher entre chaque touche (cf. manuel Remington), si tous ces objectifs étaient atteints avec cette ordre, pourquoi en changer ? En plus, quand on regarde la Blickensderfer, on voit que si les deux rangées hautes sont quasi orthogonales, la dernière rangée est décalée d'une demie touche, cela pourrait indiquer qu'à l'époque, ce demi-décalage est un standard qui a fait ses preuves.
Donc finalement, la dernière question qui ne paraît pas claire du tout: Mais pourquoi ça serait mieux si c'était orthogonal? La Benett a été critiquée pour faire mal aux poignets alors que son clavier était parfaitement orthogonal comme un Typematrix.
A-t-on des études sur cette orthogonalité, que ce soit dans un contexte machine à écrire (donc avec des leviers à pousser) ou clavier électronique (plus besoin de pousser fort) ? A partir de quand (vitesse de frappe, quantité de frappe, morphologie des mains, etc.) cela représente un avantage?