LilianBeug a écritAnna Maria Feit a publié une étude montrant que la vitesse de frappe n’était pas nécessairement liée à la maitrise des méthodes de dactylographie académique, ni du nombre de doigt utilisés.
Voilà qui est déroutant…
Ça a déjà été abordé sur la liste de discussion.
Depuis la mise au point de la méthode dactylographique, elle gagne tous les concours de vitesse de frappe.
Moi-même, je frappe plus vite avec la méthode dactylographique.
Anna Maria Feit et son équipe comparent la frappe actuelle d’un échantillon de 30 personnes dont aucune ne tape très vite.
La comparaison de personnes différentes biaise l’étude : des personnes différentes peuvent avoir une vitesse de frappe très différente avec une même méthode.
Il y en a qui tapent très vite en Bépo (bien plus que les sujets de l’étude) et qui ont relaté leur expérience ici. En gros, ils tapaient bien plus vite en frappe à l’arrache et en Azerty que moi dans les mêmes conditions. En frappe dactylographique et en Bépo, ils tapent aussi bien plus vite que moi dans des conditions similaires. La différence de vitesse est dans la même proportion.
Si on comparait la vitesse de l’un d’entre eux avec une méthode avec la mienne avec une autre méthode, ce serait comme comparer des choux et des carottes.
Une explication simple au résultat de l’étude serait que les personnes qui tapaient vite sans méthode n’aient pas trouvé utile de prendre du temps pour en apprendre une.
Les auteurs n’ont pas posé selon moi la bonne question : est-ce qu’une personne gagne à apprendre la méthode dactylographique ?
Il suffit de l’avoir fait pour savoir à quoi s’en tenir.
Cela dit, il y a des études sur la question, comme
celle-ci ou
celle-là.
En gros, l’apprentissage en lui-même ne permet pas forcément un gain de vitesse, il vient ensuite avec la pratique.
La question qui n’est pas abordée est celle de la disposition. Avec une disposition ergonomique, je tape bien plus vite (ou bien moins lentement ; en tout cas, il y a plus de différence qu’entre la frappe à deux doigts et l’Azerty en frappe dactylographique) et je fatigue moins vite qu’avec l’Azerty.
Il n’y a eu que deux études sur ce point : celle de Dvorak et celle, contradictoire, de quelqu’un qui a admis lui en vouloir personnellement.
Quoiqu’il en soit, les bénéfices les plus intéressants de la méthode dactylographique sont ailleurs : elle libère les yeux du clavier (même Anna Maria Feit et son équipe s’en sont rendu compte) et avec assez de pratique, elle devient subconsciente, ce qui diminue la charge cognitive utilisée pour taper et permet de mobiliser son cerveau sur ce qu’on écrit plutôt que sur la façon de l’écrire.
Les lettres accentuées sont toujours sur les touches des chiffres.
S’il n’y avait qu’un seul défaut de l’Azerty historique à ne pas reproduire, c’était bien celui-ci.
Si on active le verrouillage majuscules et qu’on tape « élève », on obtiendra « 2L4VE » (note : j’affirme ça en supposant que c’est inchangé par rapport à une version provisoire de la norme qui a été diffusée, vu que la norme est payante et que les informations diffusées actuellement sur la norme définitive n’abordent pas cet aspect) au lieu de « 2L7VE » actuellement sous Windows et « ÉLÈVE » sous Linux (avec le clavier PC actuel) et MacOS.
On devra taper AltGr+é l AltGr+è v e pour obtenir « ÉLÈVE ».
Ça n’est une amélioration que par rapport à la situation actuelle sous Windows, où il faut maintenir Alt et taper un code à au moins trois chiffres pour obtenir une majuscule accentuée (sauf à utiliser le Qwerty canadien).
L’Azerty OSS disponible sous Linux (et adapté par certains pour Windows) prouve qu’on pouvait faire quasiment aussi bien pour la frappe du français en conservant la disposition actuelle, ce qui aurait permis à tout le monde d’en bénéficier rapidement grâce à une simple mise à jour, sans changement de matériel.
Il était
possible de faire mieux pour le français en libérant les lettres accentuées des touches des chiffres.
Tout de même, une caractéristique intéressante de la nouvelle disposition Azerty, pour ceux qui n’ont pas de pavé numérique : une fois en verrouillage majuscules, on peut taper directement les chiffres et les quatre opérations arithmétiques les plus courantes.
Le mérite n’en revient pas à l’équipe d’Anna Maria Feit, c’est la reprise d’un principe posé par Yves Neuville pour une
disposition Azerty qu’il avait développée dans le cadre de l’AFNOR vers 1985 (accessoirement, on voit qu’elle prévoyait les mêmes signes que sur une calculatrice pour faire les opérations) et qui n’a pas percé, faute de volonté politique.
Détail : nous ne sommes plus dans les années 1980, la situation et les attentes ont changé :
– tout est connecté : on fait ses achats par carte ou sur le web, les codes barres sont scannés, les prix s’additionnent automatiquement, le débit s’inscrit sur le compte en banque, on en télécharge le relevé, on ne tape plus quasiment plus d’addition ou d’autre opération ;
– de toute façon, si on a à manipuler beaucoup de nombres, les claviers d’ordinateurs fixes ont des pavés numériques, ceux des portables de plus de 15″ aussi, et on peut en acheter des séparés ;
– par contre, on a beaucoup plus l’occasion de taper du texte (mails, forums, réseaux sociaux…) ;
– et on attend de pouvoir écrire mieux qu’avec une machine à écrire mécanique, en particulier produire facilement des majuscules accentuées (c’est d’ailleurs la mission qui avait été confiée à l’AFNOR…).
Accessoirement, vous noterez au moins une autre similitude entre la disposition d’Yves Neuville et l’Azerty AFNOR : le placement des a et e accentués.
Pour le reste, la disposition d’Yves Neuville avait comme l’Azerty historique ç et ù en accès direct, l’accent circonflexe et le tréma mieux placés. Le nouvel Azerty préfère consacrer un accès direct mieux placé (sur la touche de 7) au… guillemet ouvrant de second niveau anglais !
Bref, une disposition aussi médiocre que l’étude de la même équipe, et qui en plus pourrait avoir un impact écologique négatif notable du fait du remplacement des claviers en cas de succès populaire.
Maintenant, on peut considérer que ça ne dénotera pas dans un pays qui construit des centrales nucléaires défectueuses…